samedi 5 mars 2011

Le combat du restaurateur victime du dysfonctionnement de la Justice !


Nelly et Jacques Esnault ont perdu leur hôtel-restaurant de Fougères suite à un dysfonctionnement de la justice.

le 31 mars 2005

APRÈS DES ANNÉES DE COMBAT

JACQUES ESNAULT DÉNONCE "LA JUSTICE BÂCLÉE"

Victimes d'une décision de justice incompréhensible, Nelly et Jacques Esnault ont perdu leur hôtel-restaurant. 16 ans et 43 procès plus tard, l'État reconnaît son erreur. Jacques Esnault raconte son cauchemar dans un livre, La justice bâclée.


Nelly et Jacques Esnault ont perdu leur hôtel-restaurant de Fougères suite à un dysfonctionnement de la justice.

Pendant 18 ans, Jacques Esnault et son épouse Nelly ont tenu le Saint-Pierre, hôtel-restaurant de Fougères (35). L'établissement marchait bien, mais des travaux de rénovation commençaient à devenir nécessaires. Le propriétaire refuse. Les époux Esnault intentent un procès pour obtenir gain de cause. Ils sont déboutés alors qu'ils sont dans leur bon droit. Le cauchemar commence. Un engrenage infernal. "L'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 6 novembre 1986 a créé une situation juridique ayant pour effet d'empêcher les époux Esnault de voir prospérer utilement leur demande de réparation, alors qu'ils continuaient à payer régulièrement leur loyer et que nul ne contestait sérieusement que l'immeuble n'était ni partiellement détruit ni en ruine. Cette situation paradoxale les a finalement conduits à fermer leur hôtel puis leur restaurant, et à se retrouver aujourd'hui logés dans un HLM en ayant le RMI pour seule ressource." Voilà comment le médiateur de la République résume la désormais fameuse affaire Esnault. 16 ans et 43 procès plus tard, l'État reconnaît son erreur… Dans La justice bâclée, aux Éditions Apogée, Jacques Esnault raconte son histoire, met le doigt sur les incohérences du système et ses dérives.
"J'ai fait ce livre pour dénoncer notre système judiciaire qui ne fonctionne pas. Il y a la lâcheté du système, le dysfonctionnement de l'autorité de la chose jugée. Quand c'est mal jugé, ça fait quand même autorité !, explique Jacques Esnault. Il y a aussi la libre interprétation des faits par un magistrat. On arrive parfois à une véritable dénaturation des faits, comme pour notre cas. Sans oublier l'irresponsabilité des magistrats, puisque cela les empêcherait de travailler. Mais s'ils étaient responsables, ils feraient peut-être un peu plus attention avant de s'engager sur une fausse piste. Ils disent qu'ils n'ont pas les moyens de travailler mais, dans le même temps, ils refusent de reconnaître qu'ils commettent des erreurs, même dues à ce manque de moyens. Ils ne se rendent pas compte…"
Jacques Esnault a aujourd'hui 60 ans. Il s'apprête à toucher sa retraite. "1 800 F pour mon épouse et moi. La cour d'appel d'Angers a estimé que cette affaire m'avait fait perdre 480 000 E de revenus commerciaux, mais que cela n'a pas eu d'incidence sur ma retraite", dit-il d'un ton où l'on sent pointer l'exaspération. Quant au dédommagement suite à la faute lourde reconnue par l'État, il a fondu sur un raisonnement qui laisse pour le moins perplexe : "La justice a estimé que nous n'avions au départ qu'une chance sur deux de gagner cette affaire, donc elle ne nous a donné que la moitié de la somme", explique Jacques Esnault. Le restaurateur demandait 6,8 MF. Le préjudice reconnu s'élève à 4,8 MF et finalement, le couple a perçu 2,4 MF.

Un conseil qui vaut de l'or
S'il y a quelque chose à retenir de cette lamentable histoire, c'est sûrement la mise en garde de Jacques Esnault. Il conseille aux restaurateurs et aux hôteliers qui seraient en conflit avec les propriétaires des murs de leur établissement de prendre des précautions.
Surtout si les choses s'enveniment et qu'il est finalement question de régler l'affaire devant les tribunaux. "Les professionnels en ont marre de faire les travaux qui ne leur incombent pas, mais que les propriétaires ne veulent pas faire. Ils en ont assez de donner de la plus-value au bâtiment et pas au commerce, voilà comment tout commence", explique Jacques Esnault. Alors, un jour, le professionnel craque et intente une action en justice contre son propriétaire pour le forcer à prendre en charge l'entretien des lieux comme la loi le prévoit. "Le locataire, qui est lassé que son propriétaire ne fasse rien, appuie sur le montant de la facture. Il croit qu'en la gonflant, cela démontrera au juge à quel point il est urgent d'agir. C'est une erreur !", s'exclame Jacques Esnault. En effet, lorsque le montant des travaux demandé est plus élevé que la valeur vénale de l'immeuble, celui-ci est considéré comme étant en ruines, donc détruit. Et c'est le début de la fin, puisque la justice ne va pas demander à un propriétaire de réaliser des travaux sur un édifice reconnu en piteux état. Un constat qui peut aussi le conduire à estimer qu'un commerce ne peut pas fonctionner dans de telles conditions. "Il faut savoir limiter ses prétentions pour que la somme demandée n'avoisine pas la valeur vénale de l'immeuble, insiste Jacques Esnault. Il faut aussi être sûr que la valeur vénale de l'immeuble a été correctement estimée. Sinon, tout est faussé. Le pauvre commerçant est débouté sur des chiffres qui sont faux. Tous les exemples de résiliation judiciaire du bail qui m'ont été rapportés ont tous été fondés sur ce point-là."
Jacques et Nelly Esnault ont beaucoup souffert. Avec La justice bâclée, Jacques Esnault continue le combat. Il ne veut pas en rester là. "Je n'accepte pas la manière dont la justice nous traite. Elle fonctionne en roue libre, sans garde-fou. La justice, c'est la loterie !" Savoir que leur affaire fait jurisprudence et que d'autres procès sont gagnés aujourd'hui en faisant référence à leur combat, cela lui fait du bien. Ils se sont perdus dans les méandres de la justice et ont fini, grâce à leur courage et à leur ténacité, par en trouver la sortie. À quel prix ? Un témoignage instructif.
Nadine Lemoine zzz82 zzz22v

La justice bâclée, Jacques Esnault.
Aux Éditions Apogée. Prix : 19 E.
En librairie à partir du 30 mars ou par correspondance (19 E + 3 E pour frais d'envoi, règlement à adresser aux Éditions Apogée, 11 rue du Noyer, 35000 Rennes).

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